La lettre avec laquelle tout commença…
Appel aux interprètes de conférence pour un régime de prévoyance
27 janvier 1970
Des efforts tenaces et de longues négociations ont permis aux interprètes free-lance d’obtenir des organisations intergouvernementales une contribution à la protection de leur vieillesse, fixée pour cinq ans à 6 % de la rémunération. Sans atteindre celle qui est réservée aux fonctionnaires (14 %), n’en possédant pas non plus le caractère automatique, elle n’en représente pas moins un succès très important, puisqu’elle engage pour la première fois la responsabilité sociale de nos grands employeurs. A condition de rester unis et réalistes, nous pouvons nous en servir pour créer dans l’immédiat un mécanisme de prévoyance exactement adapté aux conditions de financement que nous avons réunies dans cette première étape. Notre objectif, à moyen terme reste inchangé : reprendre la négociation à l’occasion du renouvellement des accords, au 01.01.74 et obtenir des organisations intergouvernementales une augmentation sensible du taux de leur cotisation et une amélioration fondamentale des formes de versement à notre régime de prévoyance.
Nous nous adressons aujourd’hui à tous les interprètes de conférence, free-lance ou fonctionnaires, membres ou non de l’AIIC qui veulent qu’un régime simple, susceptible de recueillir le maximum d’adhésions, commence à fonctionner et nous leur demandons un engagement précis : signer le plus tôt possible et retourner pour le 14 février prochain au plus tard le « Bulletin de Participation » joint au présent appel.
De quoi s’agit-il ? De créer une société coopérative de droit suisse, conforme à la Résolution adoptée à l’unanimité par l’Assemblée intersectorielle du 28 juin dernier, qui consacrera ses activités à une fonction clairement délimitée : gérer en comptes individuels de capitalisation les contributions des employeurs et celles des sociétaires et verser à ceux-ci, sur leur demande et à partir, soit de l’âge de soixante ans, soit d’une période de 25 années de cotisation, le capital constitué à leur nom ou, s’ils le souhaitent, la rente viagère correspondante. Pour alimenter un Fonds de Solidarité destiné à aider les plus anciens d’entre nous, les sociétaires acceptent en adhérant, qu’un prélèvement, dont le taux serait revu tous les ans sans pouvoir dépasser 5 % soit opéré sur tout versement fait à la coopérative.
Il serait également souhaitable – mais cela relève d’une décision ultérieure que les sociétaires pourront prendre s’ils le souhaitent – que la coopérative conclue un contrat d’assurance collective en risque pur et à primes dégressives garantissant le versement d’un capital forfaitaire pour les cas de décès ou invalidité prématurés des sociétaires. Les primes qu’exigerait cette précaution élémentaire sont faibles.
La coopérative sera dirigée par un Conseil d’Administration de cinq membres. La gestion des fonds proprement dite sera l’affaire d’un Comité de gestion responsable devant le Conseil d’Administration et composé de deux experts en placements, non sociétaires.
La coopérative sera créée par l’Assemblée constitutive qui se réunira à Genève le 15 février prochain pour adopter les statuts et désigner les responsables et les experts.
En répondant massivement à notre appel, vous ne fermerez aucune porte. Au contraire, vous contribuerez à la préparation des prochaines négociations avec les organisations intergouvernementales, qui auront lieu en 1973. Vous vous acquitterez aussi d’un authentique devoir moral. Nul n’ignore, en effet, que si l’adhésion à la coopérative est facultative, les 6 % que nous avons obtenus des employeurs sont destinés à la prévoyance-vieillesse. Faites les verser, assortis de votre propre cotisation de 3 % à la coopérative : avec le concours d’experts ayant fait leurs preuves, elle vous en assurera une fructification judicieuse. Vous retrouverez le produit de votre effort financier au moment où vous en aurez le plus besoin, c’est-à-dire au moment de la vieillesse et, par votre discipline, vous aurez démontré votre volonté de poursuivre, sans vous laisser égarer, l’action entreprise collectivement pour amener nos grands employeurs, le moment venu, à une augmentation de leur contribution. Pour arriver à ce but, il est nécessaire que vous preniez toutes vos responsabilités à l’Assemblée constitutive du 15 février. C’est pourquoi nous vous invitons à répondre rapidement à notre appel.
Il y va de l’avenir même d’un régime de retraite complet et acceptable pour tous, pour lequel il reste à réunir plusieurs conditions essentielles. Voilà pourquoi notre appel, nous le soulignons, comporte le rejet complet des solutions prématurées proposées par certains collègues qui, à notre avis unanime, commettent une lourde erreur, même s’ils sont animés des meilleures intentions. Minimisant maladroitement la concession capitale obtenue des employeurs sous prétexte qu’elle n’est que de 6 % au lieu de renforcer l’action pour son augmentation, semblant négliger le caractère facultatif du régime, prenant leur impatience pour un moyen d’action, ils nous engagent à faire abstraction des réalités qui leur déplaisent. Il s’agirait, dans leur esprit de fonctionner en auto-assurance et de créer, tout de suite, un authentique régime de retraite fondé sur a péréquation des risques entre les sociétaires. Près de 30 % des cotisations seraient affectés au financement direct, au bout de cinq ans, de rentes de retraite, de veuves, d’orphelins et d’invalidité. Compte tenu de la faiblesse du taux actuel de la contribution des employeurs, ce système donnerait au mieux des prestations sociales dérisoires ; au pire, en cas de catastrophe frappant plusieurs sociétaires, la coopérative serait exposée à des risques graves.
Le fonctionnement d’un tel système présuppose les deux éléments fondamentaux qui lui font précisément défaut la garantie d’un versement automatique par l’employeur et un taux de cotisation plus élevé. A la place, on nous propose de nous abriter derrière l’A.I.T.C., l’Association Internationale des Traducteurs, qui, comme c’est son droit strict, a rendu l’adhésion au régime obligatoire pour une grande partie de ses membres. Sans nous immiscer dans les décisions de l’A.I.T.C., nous avons le droit de dire qu’elle n’a en rien suppléé à la garantie financière que seule offrirait l’obligation pour les employeurs, de cotiser automatiquement. Faute d’une telle garantie, dès que surgirait une difficulté sérieuse, l’A.I.T.C. risquerait de devoir reconsidérer le caractère obligatoire de sa décision unilatérale, laissant les sociétaires de la coopérative sans couverture financière. Nous avons le devoir de mettre les interprètes en garde contre la nature utopique et fragile d’une telle solution. De plus, elle écarterait de l’adhésion à la coopérative et de la lutte pour son perfectionnement progressif un grand nombre d’entre nous. Aussi nous sentons-nous pleinement fondés à adresser à nos amis de l’A.I.T.C. et à certains de nos collègues interprètes, une invitation pressante à ne pas abandonner la base de coopération que nous avions définie en commun par notre résolution du 28 juin dernier.
Soyons réalistes et commençons par un régime simple, regroupant la grande majorité des interprètes, et nous l’espérons, des traducteurs de conférence. Nous le perfectionnerons, et, ensemble, nous irons au-devant de nouveaux succès. Dans le cas contraire, nous devons à nos collègues la franchise de déclarer que nous ne nous laisserons pas entraîner là où nous ne voulons pas aller, et, qu’avec ou sans eux nous créerons le régime conforme à nos intérêts, que nous avions décidé un commun accord.
Nous aurons un jour, à la mesure de notre unité et de notre persévérance, le régime de retraite complet auquel nous aspirons. Pour cela, il nous faudra franchir d’autres étapes de préparation et de négociation. La première, celle à laquelle nous convions aujourd’hui tous les interprètes de conférence, c’est de signer le Bulletin de participation à l’Assemblée constitutive du 15 février, pour créer la coopérative et la faire fonctionner sans risque, ni ambition démesurée. La suite dépendra de nous et de nos efforts, décidés en commun.
P. Buckley, Genève F. Goin, Genève Z. Seleskowitch, Paris
V. Chabert, Paris W. Keiser, Bruxelles I. Testot-Ferry, Paris
M. Engelhorn, Genève A.-M. Koch-Elles, Paris C. Thiéry, Paris
Important
La CPIC n’assume aucune responsabilité quant aux informations que contient cette page.